Chronique végétale : Au fil du temps

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Chronique végétale : Au fil du temps

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Épisode du mercredi 5 février 2020 à 12:33

Au fil du temps

Le 5 février est célébrée sainte Agathe dont le culte est relativement populaire. Patronne des fileuses, on va s’intéresser à l’usage des végétaux pour confectionner des habits. Plongeons dans cette chronique dans les fils du temps et le tissu de nos traditions.

Sainte Agathe

La vie de la sainte nous est connue par un ouvrage, La Légende Dorée, rédigé au XIII siècle par le chroniqueur dominicain Jacques de Voragine. Agathe serait née en Sicile au III siècle. Dotée d’une grande beauté, elle a éconduit Quintien, le proconsul de Sicile. Refusant pour ce puissant personnage de renier sa foi et sa virginité, elle a subi un violent martyre, tirée par ses cheveux. Son martyre est représenté d’ailleurs sur une fresque de l’église de Sillegny en Moselle. Elle est devenue la patronne des fileuses.

Le filage

Le filage est le fait de produire des fils textiles à partir de divers matériaux bruts. Cette opération peut se faire à la main, à l’aide d’un fuseau, d’une quenouille ou d’un rouet. Les fibres naturelles brutes sont courtes et ont peu de résistance ou de solidité. On les tord ensemble afin d’obtenir un fil continu plus résistant. Les fibres végétales les plus courantes proviennent du lin, du coton, du chanvre mais aussi de l’ortie. Toutes les fibres, avant de pouvoir être filées, doivent être un minimum lavées. Au Néolithique et jusqu’au Moyen Âge on utilisait une plante aux vertus nettoyantes, la Saponaire, qui a déjà fait l’objet d’une chronique.

Avant de pouvoir être filée, une fibre naturelle doit également être cardée. Le cardage consiste à démêler et aérer les fibres. On utilisait autrefois également une plante, le cardère à foulon (Dipsacus sativus), pour carder la laine. L’espèce sauvage de cette plante, le cabaret des oiseaux, s’admire toujours sur les bords de chemin.

Jusqu’au XI siècle, les tissus sont produits artisanalement par les paysans qui cultivent le chanvre, le vin et élèvent des moutons pour la laine. Le coton et la soie, introduits en Europe au IX et XI siècle, sont rares et réservés aux riches.

Comme les civilisations précédentes, l’homme du Moyen Âge utilise le lin. Plus fin que le chanvre, plus résistant et moins cher que le coton, importé de lointaines contrées, le lin a su tenir le premier rang parmi les textiles végétaux.

Mythes et légendes

Au XIXe siècle, en France, les croyances paysannes mettent en scène de nombreuses figures de femmes surnaturelles qui apparaîtraient en pleine campagne, la nuit, occupées à des travaux textiles ou à d’autres occupations domestiques. Parmi elles figurent la Fileuse de nuit, personnage légendaire dans le folklore de certaines régions d’Europe. La fileuse est un être surnaturel ou une revenante.

Lorsque l’on marche en forêt d’Ardenne à la hauteur du hameau de Nohan, on se retrouve face à un énorme escalier taillé dans la roche et recouvert de mousse, sans avoir pu même soupçonner sa présence trente secondes auparavant. Une légende raconte que la dernière occupante de château de Linchamps, assise sur son banc, file la nuit à l’aide d’un rouet qui tourne sans bruit et qu’elle écrase avec de lourdes pierres ceux qui passent au pied du rocher.

Dans le conte des frères Grimm Nain Tracassin, un paysan prétend que sa fille est capable de changer la paille en or en la filant comme de la laine. Le roi oblige la jeune fille à réaliser cette transformation pendant toute une nuit ; elle se croit perdue jusqu’à ce qu’un nain, le Rumpelstilzchen, lui propose de filer la paille à sa place.

Pour l’histoire, des chemises ont été produites à Sarreguemines jusqu’en 1972. La fabrique de Sarreguemines produisait jusqu’à 400 pièces par jour (pyjamas, chemisiers et chemises de nuit) dans un bâtiment de la rue d’Or.

Le retour des activités agraires.

Autrefois, les femmes de nos villages avaient l’habitude de se retrouver autour de la date du 5 février pour veiller, filer et se partager des recettes. Les hommes étaient tenus à l’écart de cette veillée appelée en Lorraine la craigne ou l’écraigne. Dans certains villages comme à Arry, les femmes avaient coutume de faire bénir à la sainte Agathe des compresses de chanvre et de lins, censées guérir les inflammations mammaires ou des maux de dents.

La période de sainte Agathe marque aussi le retour des activités des champs. Les anciens disaient que si l’alouette chante, on peut recommencer à mettre la charrue au sillon.

En conclusion

Certains végétaux ont tenu et tiennent toujours une place de choix dans la confection des vêtements, une activité très importante et remplie de symbole au vu des légendes qui y sont associées. De la Moire Clotho qui tisse le fil de la vie dans la mythologie grecque jusqu’à sainte Agathe, le fil symbolise aussi bien une destinée qui peut être tragique qu’une route d’espoir à suivre et à vivre. Ainsi, et comme disait l’écrivain Antoine de Marville, « Il n’y a pas de plus beau fil que celui des fileuses de lune. Au matin le soleil les ramasse sur les prés humides pour tisser sa chevelure »

 

Sources : L’année lorraine de Kévin Goeuriot, éditions Les Paraiges


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