Les feuilles d'automne, emportées par le vent...

Dans mon jardin

Les feuilles d'automne, emportées par le vent...

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Épisode du mercredi 21 octobre 2020 à 12:51

Tombent les feuilles.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, chantait Yves Montand, évoquant le vent du Nord qui les emporte « dans la nuit froide de l’oubli »

Les feuilles mortes qui jonchent le sol sont un des symboles forts de l’automne et un signal qui nous indique que l’hiver est à notre porte, prêt à rentrer dans le cycle des saisons pour draper la campagne de son froid manteau.

Corvée de ramassage, sol glissant, râteau à feuilles, l’automne est là et ramasser les feuilles mortes vous semble inutile, contraignant. Dans cette chronique, on va apporter un nouvel éclairage sur les feuilles mortes.

 En automne, les feuilles changent de couleur progressivement avant de devenir brunes. D’abord, la chlorophylle qui donne sa couleur verte à la feuille est dégradée puis récupérée par l’arbre pour faire des réserves en prévision de l’hiver à venir. En parallèle vont s’accumuler dans la feuille des molécules particulières, les tanins, responsables de l’amertume, de l’astringence. La chute d’une feuille morte est déjà un moyen pour la plante de sortir ses poubelles. Cet agrégat de tanins  va également avoir un rôle vital sur la fertilité des sols.

C’est dans ces agrégats présents dans les feuilles mortes que se trouvent des minéraux, de l’azote, du phosphore, du soufre, que la plante rend au sol. La décomposition de ces feuilles se fera lentement grâce d’abord aux bactéries du sol, puis par des insectes, des collemboles, des larves, des mollusques, des mille-pattes, des lombrics, des champignons, des arachnides, toute une incroyable biodiversité qui vit dans le sol. De manière générale, les animaux du sol permettent le recyclage de la matière et vont ainsi recharger les sols en éléments organiques et minéraux.

Les feuilles mortes sont ce qu’on appelle un engrais à retardement qui a l’intérêt majeur d’être insoluble, donc non lessivable par la pluie, patientant dans le sol jusqu’à ce que les conditions climatiques permettent à nouveau l’action des microbes du sol. Au printemps, la décomposition reprendra et permettra ainsi à la plante de refaire des feuilles. Le cycle est bouclé.

 

Pour toutes les raisons vues précédemment, il est intéressant de stocker le surplus de feuilles mortes ramassées à l’automne pour les utiliser ultérieurement en paillage de printemps, apports ponctuels au compost, etc. La matière végétale qui jonche le sol est un cadeau de la nature. Ce sont en effet les feuilles sèches qui jouent le rôle principal dans l’élaboration de l’humus. En les entassant et après un an de décomposition on obtient un compost intéressant. Déposé sur la terre sans enfouissement, il fournira un bon matériau pour fabriquer de l’humus, et un ferment stimulant pour les micro-organismes du sol.

On peut être tenté de se débarrasser des feuilles mortes en les brûlant et c’est une hérésie à plusieurs titres. Outre que c’est illégal dans la majorité des communes, c’est non seulement polluant mais également les minéraux dans les cendres seront lessivés à la première pluie, perdant ainsi tout le bénéfice d’un engrais à retardement.

 

Le sol est l’interface où le monde végétal, animal, fongique et minéral interagissent entre eux. Ces interactions font du sol un pilier de vie, puisqu’il est à la base de nos chaînes alimentaires, permettant aux plantes de pousser et ainsi de nourrir toute une cohorte d’animaux. Les feuilles mortes sont un des éléments essentiels dans ces interactions.

Contrairement à la chanson de Yves Montand, les feuilles mortes ne vont pas dans la nuit froide de l’oubli mais sont la promesse lors de la belle saison de pouvoir de nouveau s’abriter à l’ombre de belles feuilles vertes.

 

Chronique réalisée par Gilles, ethnobotaniste et mycologue.


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