Chronique végétale : champignons, une explosion des intoxications

La Mélodie Family

Chronique végétale : champignons, une explosion des intoxications

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Épisode du mercredi 27 octobre 2021 à 12:30

Des chiffres alarmants

 

Depuis début juillet, on enregistre 1179 cas d’intoxication aux champignons en France, dont 32 cas graves. Deux cas ont nécessité une greffe de foie et un cas est décédé.

 

Pour certains la nature est un supermarché gratuit, ce qui est déjà une première grossière erreur. En effet, ce que vous achetez comme nourriture dans un supermarché est en règle générale comestible, ce qui est loin d’être le cas avec ce que vous pouvez cueillir dans la nature. Que ce soit chez les plantes ou les champignons, ce ne sont pas les toxines qui manquent pour vous empoisonner, et dans ce domaine, la nature a une imagination très fertile. On le voit, on est loin du jardin d’Eden, de la vision d’une nature idéalisée et sans danger. Au supermarché, vous n’avez qu’à vous laisser guider par les couleurs, les emballages pour consommer, ce qui intellectuellement est très confortable pour consommer. Dans la nature, pas d’étiquette sur les produits, pas de contrôle sanitaire préalable, ça demande donc de mettre en place un effort intellectuel et mobiliser des connaissances. Car avec les champignons, il vaut mieux ne pas se tromper. Certains vous détruisent le foie, d’autres les reins, en bref si vous avez la chance de vous en tirer, c’est souvent grâce à une greffe d’organe.

 

Quels sont les conseils de prudence ?

 

Indiquons d’abord en préambule deux choses : douter en mycologie est un gage de longévité. Au sein d’une même espèce, on peut rencontrer une variabilité loin d’être négligeable entre différents spécimen. C’est comme pour notre espèce, la variabilité est riche. Donc déjà on oublie l’idée qu’on peut identifier un champignon de façon certaine avec seulement une photo dans un guide. Enfin, la détermination s’apprend et elle nécessite un examen minutieux. Oubliez donc les applications, elles ne sont pas fiables

L’accent au contraire doit être mis sur ce que j’appelle les bonnes pratiques de cueillette, qui sont :

 

- pour chaque spécimen que l’on croît connaître, savoir décrire tous les caractères objectifs (et pas qu’un seul mais tous les caractères) qui permettent de conclure que c’est lui.

- pour chaque spécimen que l’on consomme, connaître ses sosies toxiques et savoir décrire leurs caractères objectifs

- bannir les sacs plastiques qui accélèrent la décomposition

- ne pas consommer de champignons sauvages crus, en grande quantité, sur plusieurs repas de suite

 

Rien déjà que les deux premiers points demandent un effort non négligeable. Des caractères objectifs sont l’insertion des lames, la couleur de sporée, l’odeur, le biotope, la présence d’ornements comme un anneau, des écailles, etc. On voit qu’on n’est plus dans la démarche simpliste (et surtout dangereuse de comparer avec une photo selon la couleur, etc ; d’ailleurs oubliez la couleur car pour une même espèce c’est assez variable).

La compétence en mycologie se repère rapidement ; quelqu’un qui est capable de vous donner ces critères et de décrire le champignon, maîtrise son sujet. En revanche, celui qui vous dira « je le connais bien, ça fait des années que je le ramasse » est à fuir. Le connaisseur, gardez-le à l’esprit, est quelqu’un qui doute toujours. L’assurance, être trop sûr de soi, sont plutôt des indices d’incompétence.

 

Il faut manipuler un champignon ?

 

- pour les champignons à lames, et surtout si les lames sont blanches, ayez systématiquement le réflexe d’arracher le champignon ou de le déterrer pour examiner minutieusement la base du pied et voir s’il y a un sac membraneux, c’est-à-dire une volve. C’est une caractéristique de l’amanite phalloïde par exemple. Ce réflexe peut vous sauver la vie. Une fois cet examen effectué, vous pouvez couper le pied. On entend encore trop souvent cette idée reçue qu’arracher un champignon l’empêche de repousser ou que le couper fait pourrir le mycélium. Rien de plus faux. Couper ou arracher n’a aucune influence sur la vie et la croissance du champignon, des études sur plusieurs dizaines d’années l’ont prouvé et ce point ne suscite plus débat chez les mycologues.

- regardez le champignon sous toutes les coutures, surtout les lames et leur insertion sur le pied.

 

En conclusion, la cueillette sans danger est quelque chose qui ne s’apprend pas à la va-vite, avec des photos ou sur des réseaux sociaux. Pour un œil non exercé, beaucoup de champignons se ressemblent et la différence entre se régaler ou mourir tient parfois à peu de choses. N’hésitez donc pas à participer à des sorties avec des professionnels, à ouvrir la porte d’une association mycologique, pour apprendre quoi regarder. C’est une pratique qui demande un apprentissage, une longue pratique, de la curiosité, de la remise en question, mais qui vous garantira des cueillettes en toute sécurité. Et surtout ne soyez pas trop sûr de vous car c’est la meilleure façon de s’en mordre les doigts.

 

Chronique réalisée par Gilles, ethnobotaniste et mycologue. 

 

 


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