Patrick Weiten réagit après la sortie du livre de Philippe de Villiers ''J'ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu''
Philippe de Villiers vient de publier aux éditions Fayard un ouvrage intitulé J'ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, traitant de la construction de l’Europe. Dans ce livre Philippe de Villiers dresse un portrait assez cinglant de Robert Schuman.
Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle, Président du Centre Européen Robert Schuman (CERS), a souhaité réagir à cette mise en cause de la personnalité et des agissements de Robert Schuman.
Voici son communiqué :
« Monsieur de Villiers s’en prend nommément à Robert Schuman, en usant de raccourcis historiques pour apporter à ses lecteurs des thèses relevant, selon lui, de complots et de secrets. Il fait également de Robert Schuman une marionnette à la solde de la CIA. En tant que Président du Département de la Moselle, propriétaire de la Maison de Robert Schuman, et au titre du CERS, je m’étonne que de tels propos aient pu être avancés par un homme politique. Il met en exergue un véritable manque de discernement de sa part et réinterprète le travail des historiens du XXe siècle. Ses écrits ne sont que l’expression de lectures survolées et non approfondies.
Il n’est pas non-plus de secret ou de complots relatifs à l’identité de Robert Schuman. Né à Luxembourg en 1886 d’une mère luxembourgeoise et d’un père mosellan, il a reçu la nationalité allemande du fait de l’annexion de 1871 et est donc lui aussi Allemand en 1914. Bien que réformé en 1908, il est tout de même mobilisé au début de la Première Guerre mondiale en qualité d’aide-soignant avant de rejoindre l’administration territoriale à Boulay. En aucun cas, il n’aura porté les armes ou la tenue d’un soldat allemand. Cette question de l’uniforme témoigne d’une véritable méconnaissance historique, politique et géographique de l’Alsace et de la Moselle de la part de Philippe de Villiers. Il oublie le statut particulier de ces 3 départements depuis 1871, qui a généré de fait dès le début de la 1è Guerre mondiale un enrôlement généralisé des hommes de ces territoires. Et ce n’est sûrement pas une attitude belliqueuse qui aura permis à Robert Schuman d’être élu député de la Moselle dès 1919 avant d’entamer une carrière politique centrée sur la paix entre les peuples.
Par ailleurs, Robert Schuman n’a pas siégé dans le Gouvernement de Philippe Pétain en 1940. C’est ce qui lui vaudra sa non-reconduction au poste de Secrétaire d’État aux réfugiés.
Certes, Schuman a bel et bien voté, comme 569 autres élus, les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940, sous chantage de Pierre Laval aux parlementaires alsaciens et mosellans, pour que ce territoire auparavant annexé ne soit pas à nouveau perdu pour la France. Au lendemain de ce vote, Alsace et Moselle sont finalement rattachées au Reich. Schuman se sentant trahi, déclare publiquement regretter son choix et rentrera à Metz parmi les siens. Cette prise de position lui vaudra d’être arrêté et emprisonné par la Gestapo au Fort de Queuleu, puis placé en résidence surveillée près de Trèves d’où il s’évadera en 1942 pour gagner la zone libre et entrer en résistance. On ne peut ainsi affirmer que Robert Schuman a pactisé avec l’occupant et trahi sa patrie.
Il est pour moi inqualifiable de vouloir instrumentaliser un homme, quel qu’il soit, en créant des raccourcis dans sa vie et son histoire, en faisant fi de tout contexte historique ou politique. Robert Schuman est né Allemand en 1886, il est devenu Français en 1919. Mais il est avant tout Européen dans l’âme. Son œuvre politique ne peut qu’en témoigner. Affirmer le contraire serait nier qu’il a créé une union solidaire et pacifiste dès 1950 et qu’il est resté proche de la population et ancré dans une Moselle qu’il n’a jamais démentie et dont il ne s’est jamais éloigné. »