Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?


par Margot Benabbas
jeudi 27 janvier 2022 à 12:58

Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?
Photo : Infos Morhange et Alentours

A Sarreguemines ce jeudi 27 janvier, le sentiment de nombreux habitants est l'indignation. La veille, le corps de Mustafa Özdilek, 62 ans, a été retrouvé dans la Sarre. Les pompiers sont allés le chercher vers 11h avant de le laisser un peu plus loin au bord de l'eau, entre les mains de la police. Ce n'est qu'à 19h le même jour que le corps a finalement été déplacé, après être resté à la vue de tous pendant près de 8h. Que s'est-il passé ? 

La police démunie 

Lorsqu'un cadavre est découvert dans le domaine public, une procédure de découverte de cadavre est effectuée par les forces de l'ordre. Les règles sont strictes selon Franck Stephan, commandant du commissariat de police de Sarreguemines : "Tant qu'un médecin n'a pas dit que la personne est morte, juridiquement, elle n'est pas reconnue comme telle". Pour pouvoir bouger le cadavre, la police a besoin d'un constat de décès délivré par un médecin. Or, ce mercredi, aucun médecin n'a pu se déplacer. 

Son N°1 - Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?

Le problème est la disponibilité des médecins pour se déplacer. Les services d'urgence ne se déplacent pas parce que ce n'est pas une urgence vitale, et donc ça mettrait en péril leur disponibilité opérationnelle pour intervenir sur une urgence. Et les médecins de ville, libéraux, ne se déplacent pas, parce qu'ils ne sont pas disponibles parce qu'ils sont surbookés avec leur salle d'attente pleine de patients.

Des effectifs de police ont été mobilisés toute la journée pour rester aux côtés du cadavre en attendant un médecin. Il s'agit d'un problème récurent pour la police. 

Son N°2 - Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?

Ce sont mes enquêteurs qui se sont démenés toute l'après-midi jusqu'à temps qu'on trouve un médecin. En l'occurrence, le médecin qui a daigné se déplacer est un médecin généraliste qui exerce au CHS. C'est quelque chose qui n'est pas nouveau, c'est quelque chose qui est un vrai problème. Pour moi, il faut mener une réflexion sur des dispositifs intermédiaires qui nous permettraient de trouver des solutions par rapport à ça, parce que ça n'est pas quelque chose de satisfaisant en l'état.

D'après Franck Stephan, il n'existe pas de dispositif pour solutionner le problème de manque de disponibilité des médecins. 

''Pas du racisme'' pour Yucel, un proche 

Ce mercredi toute la journée, Yucel Yildirim, un proche de Mustafa Özdilek était présent sur les bords de Sarre. Il a vu celui qu'il appelle son cousin être sorti de l'eau par les pompiers. Il l'a également vu être laissé de côté pendant des heures dans l'attente d'un médecin. Des heures très longues et difficiles pour le Sarregueminois. 

Son N°3 - Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?

Franchement très mal. Après vous avez des enfants qui sont passés, qui ont vu ça et qui ont pleuré. Ce n'est pas normal qu'on laisse un corps comme ça à la vue des enfants. Tout le monde passe là-bas, toute la journée des gens sont passés. Moi j'ai vu ça, j'étais dégoûté, je me suis dit "ils viennent quand" ?

A 19h, enfin, un médecin est arrivé sur les lieux. Non loin du pont de l'Europe où Mustafa avait été découvert par un groupe de jeunes quelques heures plus tôt. Il n'est resté que quelques minutes et le corps a finalement pu être enlevé. 

Ce jeudi, cette histoire a fait beaucoup de bruit dans la communauté turque de Sarreguemines. Si certains parlent de racisme, Yucel veut calmer les tensions et rappelle que le problème vient de la pénurie de médecins. 

Son N°4 - Sarreguemines : comment un corps a-t-il pu rester pendant 8h au bord de l'eau ?

Ça fait mal au cœur franchement. Les Turcs sont venus, ils ont dit : "C'est du racisme", j'ai dit "Mais non, ce n'est pas du racisme". Il faut surtout dire que ce n'est pas du racisme, il y a un gros problème de docteurs. Ça n'a rien à voir avec du racisme. Parce que c'était un Turc, on l’a laissé comme un chien, je dis non, c'est malheureux mais c'est comme ça, que voulez-vous faire ?

Yucel Yildirim nous explique avoir été contacté par la presse turque à ce sujet. Lui maintient son discours : ce n'est pas la faute de la police, ni des médecins et ce n'est pas du racisme. C'est tout le système qui devrait être revu, pour que personne ne soit laissé de côté comme l'a été Mustafa Özdilek. 


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