Non reconnaissance des maladies professionnelles : ''On ne reconnaît même pas le sacrifice des mineurs''


par Margot Benabbas
jeudi 10 mars 2022 à 08:31

Non reconnaissance des maladies professionnelles : ''On ne reconnaît même pas le sacrifice des mineurs''

Les fédérations nationales des mineurs CGT – CFDT – FO – CFTC et CFE-CGC interpellent Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances. Ils dénoncent le manque de reconnaissance de maladies professionnelles pour les anciens mineurs.

Son N°1 - Non reconnaissance des maladies professionnelles : ''On ne reconnaît même pas le sacrifice des mineurs''

François Dosso – ancien mineur et militant CFDT

Que dites-vous dans cette lettre ? Quel est l’objectif ?

Dans cette lettre nous reprenons un certain nombre de choses. Le ministre n'intervient pas directement mais il a quand même couvert son bras armé qui s'appelle l'agent judiciaire de l'Etat. C'est un organisme qui siège au niveau du ministère de l'Economie et des Finances et c'est lui qui représente l'Etat dans tous les contentieux, dans tous les procès qui se passent contre les mineurs pour ne pas reconnaître d’une part leurs maladies professionnelles, et d’autre part, la faute inexcusable des HBL. Donc l’Etat actuellement a une attitude absolument indigne puisqu’il conteste tout. Nous avons des personnes qui ont déjà gagné des procès comme le dossier sur l’anxiété ou des maladies professionnelles. Ils ont un deuxième dossier mais ils contestent toujours toutes les expositions. « Les mineurs n’ont pas été exposés aux produits toxiques », « les mineurs à la surface n’ont jamais été exposés aux poussières ». Vous avez des gens dans les centrales, dans les cokeries qui étaient dans la poussière de charbon jusqu’aux genoux. Ils font une demande de silicose et « Non, c’est pas chez nous. Chez nous il n’y avait pas de poussière ». C’est un mensonge éhonté ! Il y a des personnes qui font des demandes de reconnaissance de l’amiante, ils refusent. Alors qu’il y a des milliers de personnes qui ont déjà gagné. Ils jouent la montre, ils essayent d’écœurer les mineurs et ça il faut que ça cesse !

Selon vous le ministère tente de bloquer les reconnaissances de maladies professionnelles des anciens salariés des houillères, pourquoi il ferait ça ?

Pour gagner de l’argent, c’est tout. Pour économiser de l’argent sur le dos des anciens mineurs. Ils savent très bien que s’ils acceptent de reconnaître simplement que les gens étaient exposés, ensuite ils peuvent se faire reconnaître leur maladie, leur cancer, et se faire indemniser. Et c’est ça qu’ils ne veulent pas !  D’une autre part, ils ne veulent pas admettre qu’ils ont commis des fautes !

L’Etat a deux casquettes dans les mines, il est employeur par le biais des HBL et doit rendre des comptes en tant qu’employeur mais il est aussi le régulateur. C’est lui qui faisait les lois pour protéger les mineurs. Et comme ils n’ont pas mis en place les textes nécessaires pour protéger les mineurs et leur santé à l’époque, ils ne veulent pas reconnaître leur double faute. Ils nous disent que tout allait bien, mais non, tout n’allait pas bien ! On est quand même la branche d’activité où il y a le plus de malades et il y a eu le plus d’accidentés, le plus de catastrophes. C’est historique, on va pas revenir là-dessus.

Combien d’affaires sont en cours ?

Oui ! En fait, ils jouent la montre. Aujourd’hui la population minière a un certain âge donc moi je vois des personnes qui ont 85-90 ans qui traînent un dossier depuis 7-8 ans et continuent à jouer la montre à chaque fois l’avocat des houillères fait reporter le dossier et on perd 6 mois, 1 an. Et les personnes, il y en a quelques-unes, non seulement elles meurent, elles, avant la fin du dossier mais on a même des cas où leur veuve est décédée déjà.

Des centaines d’affaires sont en cours devant les tribunaux si on prend l’ensemble des organisations syndicales et des associations. On nous reproche à nous de faire du contentieux, mais nous on demande juste la reconnaissance des faits. Si l’agent judiciaire ou encore les caisses de sécu ne donnaient pas suite au refus il n’y aurait pas de contentieux. Les gens ne veulent pas aller devant les tribunaux. Chez nous les anciens ont tous peur d’aller devant le tribunal, ils demandent juste la reconnaissance de leur maladie. Rien d’autre. Si l’Etat utilise des pratiques comme ça c’est indigne. On ne reconnaît même pas le sacrifice des mineurs parce que là c’est des gens qui ont sacrifié la santé pour produire du charbon.

Ce rassemblement de toutes les fédérations de mineurs c'est exceptionnel ? 

C’est quand même unique de dire que c’est l’ensemble des mineurs de France écrit. 5 fédérations écrivent d’une seule voix et disent : « Maintenant il faut qu’on arrête ». Maintenant on demande une entrevue mais s’il n’y a pas de suite, on montera d’un cran ! Il faut que ça bouge.


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