Le débat ne va pas changer l'issue du vote ''mais il joue néanmoins un rôle''
Ce dimanche c’est le second tour de l’élection présidentielle et avant ça, ce soir il y aura le débat de l’entre-deux-tours.
Son N°1 - Le débat ne va pas changer l'issue du vote ''mais il joue néanmoins un rôle''
Etienne Criqui - professeur de sciences politiques à l’université de Lorraine
A quel point il est important ce débat ? Est-ce que ce débat peut changer l’issu du vote de dimanche ?
Changer l’issue dite du vote, c’est peut-être un peu excessif, mais il joue néanmoins un rôle. On a le souvenir dans le passé que le débat avait pu accentuer une tendance en faveur de l’un ou l’autre candidat. Valéry Giscard d’Estaing en 1974 face à François Mitterrand par exemple, mais François Mitterrand avait repris le dessus lors du débat en 1981 et ça a participé certainement à sa victoire. On pourrait citer d’autres exemples où le débat, sans être totalement décisif, joue un rôle. Il avait certainement joué un rôle aussi il y a 5 ans en défaveur de Marine Le Pen qui n’était certainement pas suffisamment préparé à ce débat et qui avait semblé sur la défensive, mise en défaut par Emmanuel Macron.
Comment se préparent les candidats au débat de ce soir ?
Ils l’ont déjà en partie préparé, en travaillant un certain nombre de dossiers, en demandant des fiches à leurs collaborateurs, en se mettant au vert quelques jours, comme ça a été le cas de Marine Le Pen, en essayant d’arriver ce soir au meilleur de leur forme. On a le souvenir, on se souvient d’ailleurs, que Marine Le Pen était fatiguée, épuisée il y a 5 ans. Ils ont conscience de cela tous les deux donc il faut être en parfaite forme intellectuelle et physique pour ce débat. Ce sont des petites choses mais qui comptent beaucoup.
La première fois que l’extrême-droite s’est retrouvée au second tour c’était en 2002 et ça avait été un choc. Depuis, Marine Le Pen a été au second tour en 2017 puis cette année et ça n’a plus l’air de choquer grand monde. Y a-t-il une banalisation de l’extrême droite aujourd’hui ?
Banalisation de l’extrême droite, je n’en suis pas certain, mais une banalisation effectivement du Rassemblement National et de Marine Le Pen, parce que le Rassemblement National s’est enraciné dans la vie politique depuis maintenant un certain temps et donc la situation est très différente de celle d’il y a 20 ans. Il y a 20 ans le Front National était, Jean-Marie Le Pen était, un parti, un personnage un peu hors norme, totalement en marge du spectre politique français. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, le Rassemblement National fait partie de la vie politique. Marine Le Pen a aussi bénéficié, il fait le reconnaître cette année, de la candidature Zemmour qui l’a en quelque sorte recentrée. Eric Zemmour apparaissant sur plusieurs sujets comme plus radical que Marine Le Pen.
En 2002 ou encore en 2017 de nombreux électeurs ont voté pour faire barrage à l’extrême-droite. Ce vote aura-t-il autant de poids cette année ?
Probablement non, parce que d’une part Marine Le Pen c’est sa 3ème campagne présidentielle, c’est la 2ème fois qu’elle est au second tour donc il y a une certaine banalisation de l’extrême droite qui a été renforcée par la candidature, on l’a dit, d’Éric Zemmour. D’autre part, à la différence de 2017, Emmanuel Macron n’est pas nouveau candidat. C’est le président sortant qui a pu susciter des hostilités, qui n’a pas convaincu, loin de là, et donc il n’a pas la même position qu’il y a 5 ans où c’était un candidat tout à fait nouveau qu’on pouvait apprécier ou moins apprécier mais qui n’avait pas de bilan. Or, là, il a un bilan, et, comme tout président sortant qui se représente ça peut jouer contre lui. C’était le cas pour Valéry Giscard d’Estain en 1981, on se souvient pendant le débat de la remarque de Mitterrand : M. Giscard d’Estaing vous êtes l’homme du passif. Passif c’est-à-dire, tout ce qui ne va pas aujourd’hui c’est vous puisque vous êtes là depuis 7 ans, à l’époque. Et ça, ça joue évidemment contre Emmanuel Macron. C’est pour ça qu’il est très peu probable qu’il réédite le score (presque les 2 tiers des voix) qu’il avait obtenu au second tour de 2017.