Les salariés de Ford à Sarrelouis entre choc et colère : ''on a été mené en bateau par la direction''
On l’a appris hier la future voiture électrique de Ford ne se fera pas à Saarlouis mais à Valence en Espagne.
Cédric Moltini, délégué du Comité d’Entreprise chez Ford à Sarrelouis, et représentant du syndicat IG Metall.
Son N°1 - Les salariés de Ford à Sarrelouis entre choc et colère : ''on a été mené en bateau par la direction''
Comment avez-vous appris cette nouvelle ? Quelle a été votre réaction ?
Nous avons appris la nouvelle hier lors de notre assemblée générale ; on ne s’y attendait pas du tout car on avait un réel avantage sur l’usine de Valence. Il y a énormément de consternation de notre part, beaucoup de déception et surtout de la colère avec une grande peur de l’avenir. En sachant que le modèle que nous produisons actuellement, la Ford Focus, s’arrêtera en 2025.
Quels étaient les propositions et avantages du site de Saarlouis ?
On avait, avec nos collègues de Cologne, préparé un programme ensemble pour réduire certaines choses qui étaient un peu trop chères à Saarlouis, ce programme (confidentiel) nous donnait un avantage sur l’usine de Valence.
Peut-on dire que l’avenir s’écrit en pointillés ?
L’avenir s’écrit en pointillés, l’avenir est sombre pour nous, car pour le moment la direction n’a annoncé aucun plan B. On se rend compte qu’on a été mené en bateau par la direction de Ford Europe, et ce depuis fin 2018, où la direction nous avait promis un avenir en échange de la suppression du Ford Focus CMax qui était produit à Sarrelouis. Nous avions réduit le personnel de pratiquement 2500 personnes depuis fin 2018 et maintenant on se retrouve avec une très très grande peur de l’avenir et surtout avec une très grosse colère.
Combien y a-t-il de salariés frontaliers actuellement à Saarlouis ?
Nous sommes actuellement 4700 employés avec 800 travailleurs frontaliers. Sans compter le parc industriel, qui est directement concerné par les décisions qui ont été prises, et qui embauche environ 40% de leurs salariés qui sont aussi des frontaliers.
Que comptez-vous faire, en sachant que 98% des salariés sont syndiqués chez IG Metall ?
Nous avons organisé hier une démonstration, dans les rues de Dillingen, pour manifester notre colère. Et ce matin, depuis 7h30, nous sommes dans une assemblée générale exceptionnelle afin de montrer à nouveau notre mécontentement et notre colère et pour montrer à la direction qu’on ne se laissera pas faire.
Depuis ce matin, aucun véhicule n’est produit sur le site de Saarlouis.
Avez-vous eu des soutiens politiques allemand ou français ?
On a eu le soutien de politiques allemands, surtout de la Sarre. Et moi, en tant que travailleur frontalier et membre du comité d’entreprise, j’ai pris contact avec la France, j’ai même écrit à Monsieur le Président Emmanuel Macron. Son cabinet m’avait répondu par courrier en me signalant que Madame Élisabeth Borne, qui était au ministère du travail, allait me contacter à ce sujet, mais jusqu’à ce jour personne n’a pris contact avec nous. Je voulais par là sensibiliser la région frontalière, la région Grand Est, du problème à venir si le site de Saarlouis devait ne plus produire de véhicules après 2025.
Jai aussi sensibilisé l’état Français également grâce à Monsieur Arend (ancien député) qui m’a beaucoup soutenu dans ces démarches.
Pouvez-vous me donner quelques chiffres qui montrent l’importance de cette usine termes d’emploi… ?
L’usine Ford de Saarlouis est l’une des plus productive dans toute l’Europe. Nous avons produit, dans les meilleures années plus de 400 000 véhicules par an, avec une production journalière qui était au-delà des 2000 véhicules par jour.
Actuellement, suite à plusieurs crises, notamment avec les puces électroniques nous ne produisons malheureusement que 1000 véhicules par jour. Mais, il faut savoir qu’il y a 27 entreprises en France qui dépendent de l’usine de Saarlouis.