''François Bayrou, c’était l’une des plus mauvaises solutions'' pour le sénateur mosellan Michaël Weber qui appelle à ne pas utiliser le 49.3
Vendredi, un nouveau Premier ministre a finalement été nommé. Il s’agit du président du MoDem François Bayrou. Une décision largement critiquée par la gauche.
Son N°1 - ''François Bayrou, c’était l’une des plus mauvaises solutions'' pour le sénateur mosellan Michaël Weber qui appelle à ne pas utiliser le 49.3
Michaël Weber, sénateur PS de Moselle. Ancien maire de Woelfling-lès-Sarreguemines.
Sur X (ex-Twitter) vendredi, vous écrivez « regretter ce choix » de Premier ministre « qui ne règlera rien à la crise politique que nous visons ». On en déduit que nous n’êtes pas satisfait ?
Pour moi, François Bayrou, c’était l’une des plus mauvaises solutions. D’abord, ça nous ramène à un temps où, je le rappelle, il a été ministre sous Balladur à l’époque de François Mitterrand et il a été depuis très longtemps dans la vie politique. Je ne suis pas certain que ce soit l’homme de la situation pas plus que ne l’a été Michel Barnier parce que, la composition même de ce socle commun ne permettra pas de sortir de l’impasse politique dans laquelle nous sommes. Et, de surcroît, Emmanuel Macron renomme quelqu’un de sa majorité et je pense qu’aujourd’hui, il y a un rejet assez fort de cette majorité-là et que ça ne suffira pas à créer les conditions de la stabilité.
François Bayrou, Premier ministre, peut-il espérer rallier à sa cause, au moins sur certains sujets les socialistes ?
On peut toujours penser, et ce sera surement le cas pendant quelques temps, que sur quelques points on puisse trouver un accord. D’abord, il n’y aura, à mon avis, pas de ministres de gauche. Je sais qu’il y a un certain nombre de personnes qui ont été contactées et qui ont refusé. Je pense qu’on aura, un moment aussi, un vote sur un budget parce que c’est ce que les Français attendent et l’instabilité sur le plan économique que l’on connaît est très mauvaise. Vous savez qu’il y a une loi spéciale qui doit être votée au cours de cette semaine puis on aura vraisemblablement des discussions budgétaires qui pourraient aboutir, à mon avis, au cours du mois de janvier. Mais, je pense que ça n’ira pas beaucoup plus loin parce qu’il a d’une part les exigences sur une partie de l’échiquier politique. Je pense en particulier à Bruno Retailleau, nous on a de notre côté aussi des exigences sur le pouvoir d’achat des Français, les retraites et quelques autres sujets. Et de trouver l’équilibre en la matière ça me semble extrêmement compliqué, d’où mon scepticisme sur la durée de ce gouvernement.
Pourquoi des personnalités politiques de gauche refusent d’avoir une place de ministre qui pourrait peut-être vous aider à amener vos idées ?
Pour une raison assez simple, je pense qu’il y a une espèce de paradoxe. Il y a, d’une part, le morcellement de la vie politique de l’Assemblée nationale qui mériterait une coalition et il y a, d’autre part, les différences qui sont de plus en plus fortes entre la gauche sans qu’elle soit radicale et la droite. Et donc, accepter de participer à un gouvernement dans les conditions actuelles dont on sait très bien qu’il va falloir, d’une part, travailler avec un Bruno Retailleau qui veut une nouvelle loi sur l’immigration et d’autre part, accepter qu’on revienne sur la réforme des retraites, ça me semble sans doute pas possible. D’où cette situation de blocage. Moi je pense qu’il eut fallu pour Emmanuel Macron nommer une personnalité de gauche reconnue, peut-être moins clivante, pas nécessairement parlementaire aujourd’hui. Bien sûr, on a parlé de Bernard Cazeneuve et Valérie Rabault qui est présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale qui aurait pu peut-être élargir le spectre et s’assurer en quelque sorte de cette capacité à résister face aux tensions des uns et des autres. Ce qui a été, à mon avis, une des raisons de la chute du gouvernement de Michel Barnier c’est que Michel Barnier, dont on disait qu’il était un grand négociateur, en réalité n’a pu rien négocier du tout puisqu’il s’est directement livré entre les mains du RN et, à un moment, le Rassemblement national a sifflé la fin de la récré et a décidé de le renverser. Si François Bayrou prend la même méthode, l’effet sera le même. Je pense qu’il ne va pas le faire dans l’immédiat mais très vite, c’est ce qui risque d’arriver.
Est-ce que le PS va tenter une motion de censure contre le gouvernement Bayrou ?
On va proposer un échange, qui est assez simple : vous acceptez de passer un budget sans le fameux 49 alinéa 3 qui permet de passer en force et on ne déposera pas de motion de censure. Le marché est simple mais il suppose que le gouvernement doit accepter les propositions qui peuvent être faites. Je donne un exemple, au Sénat, il y a 15 jours, lors de l’examen du Budget, nous avons trouvé des accords, y compris avec la majorité sénatoriale. Il n’aura échappé à personne que sur les 348 sénateurs, le PS n’en a que 64 et que malgré tout on a réussi à proposer des avancées dans ce budget-là avec la droite sénatoriale et le centre. Le dernier jour, le dimanche après-midi, j’étais présent et le gouvernement a proposé une seconde délibération c’est-à-dire qu’il a repris article par article le budget, pour supprimer, soit des dépenses soit des recettes qui ne lui convenaient pas. Ça c’est une méthode qui n’est pas acceptable parce que ça veut dire qu’on ne reconnait pas la force du Parlement. Or, aujourd’hui, Emmanuel Macron, et ça c’est une énorme erreur de sa part, doit accepter que parce qu’il n’a plus la majorité ce n’est plus lui qui décide des majorités et des textes à appliquer au Parlement. C’est le Parlement qui doit s’entendre, c’est les présidents de groupe au Parlement, en particulier à l’Assemblée nationale, qui doivent discuter ensemble pour trouver des solutions, des compromis, afin de sortir par le haut, sans utilisation du 49-3. Donc, si François Bayrou n’utilise pas le 49-3, il n’y aura pas de censure. S’il l’utilise et ça c’est historique, ça a toujours existé dans la Vème République, ça suppose forcément une motion de censure.