Épisode du mercredi 6 octobre 2021 à 12:40
La châtaigne est le fruit symbole de l’automne. Dès le début de la saison, on tire les marrons du feu, en évitant de se prendre une châtaigne. Marron ou châtaigne, essayons d’y voir plus clair sans s’empêtrer dans une crème de marron.
Châtaigne et marron, quelle différence ?
Châtaigne et marron proviennent de deux espèces botaniques bien différentes. La châtaigne est le fruit du Châtaignier (Castanea sativa), arbre appartenant à la même famille que le Hêtre (Fagus sylvatica) ou le Chêne (Quercus sp). C’est un arbre majestueux qui peut atteindre 20 mètres de haut, avec des feuilles dentelées en forme de lance.
Le marron est la graine du Marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), arbre appartenant à la petite famille des Hippocastanacées dont il est le seul représentant en France.
Le marron est une graine, contenue dans une capsule (bogue) à pointes molles, la châtaigne est un fruit contenu dans une cupule (= bogue) à 4 valves hérissées de piquants vulnérants. Chaque châtaigne contient en effet plusieurs graines recouvertes d’un tégument laineux, le tan, cloisonnant plus ou moins le fruit.
Lorsque la châtaigne devient un marron
Historiquement parlant, le terme marron serait apparu dans la région lyonnaise, emprunté à l’italien « marron » qui veut dire châtaigne. D’autres y voient une connotation sociale : la châtaigne a été le fruit du pauvre, la nourriture des cochons, mais devenant marron lorsqu’elle finissait sur la table des nobles. Le terme de marron est donné également aux variétés cultivées de châtaignes.
Il y a donc deux sens possible dans le langage courant au mot marron. Il faut bien veiller à distinguer le marron comestible (en réalité issu d’un châtaignier greffé pour être cultivé) du marron d’Inde, qui lui est toxique. La châtaigne telle qu’on la désigne est ainsi la version sauvage, celle que vous trouverez communément en forêt dès le mois de septembre. Vous pourrez la ramasser de la fin septembre à la mi-novembre.
Histoires et anecdotes
Théophraste, au IVème siècle avant J. C., fait pour la première fois référence à un fruit appelé « gland de Zeus », la châtaigne. Selon la mythologie gréco-romaine, le châtaignier est la dépouille de la nymphe Néa, compagne de Diane, qui préféra se tuer plutôt que de céder aux avances de Jupiter. Ivre de colère, le dieu la métamorphosa en un Casta Nea (la chaste Néa), châtaignier dont les fruits garnis de piquants symbolisent cette aventure.
Chez les celtes, la châtaigne a été considérée comme un aphrodisiaque. Quant à ses feuilles en forme de lance, elle symbolise l’image du guerrier incorruptible. Tel un gardien de la porte de l’hiver, le châtaignier permettait aux hommes et animaux de survivre à une époque où plus rien ne poussait. Aujourd’hui encore, en hiver, les châtaignes s’invitent à nos tables durant la période hivernale.
Depuis des siècles, le châtaignier apporte une nourriture particulièrement nutritive, remplaçant souvent, pour les plus pauvres, le pain, d’où son autre nom d’arbre à pain. On raconte que Charlemagne aimait manger des châtaignes rôties en buvant du vin.
La culture du châtaignier se développe au Moyen Âge, sous la houlette des moines, qui pratiquent la plantation et le greffage. À cette époque, on ne consommait pas encore de pommes de terre. On utilisait la châtaigne pour faire des purées et autres bouillis.
La châtaigne symbolise l’intermédiaire entre le monde des vivants et des morts. Dans le midi de la France, les châtaignes grillées faisaient partie du repas traditionnel de la Toussaint. Toutes celles dont on enlevait l'écorce pour les manger correspondaient à une âme du purgatoire délivrée et en route pour le paradis. On laissait dans les maisons des châtaignes, le plus souvent bouillies, pour nourrir les âmes de ceux qui avaient de leur vivant, habité la région ; cette offrande aux défunts était aussi un moyen de les éloigner.
Propriétés culinaires
Les châtaignes peuvent être consommées crues, bouillies, grillées ou rôties, fraîches ou séchées. À l’heure actuelle, en France, ces fruits servent surtout à la fabrication de marrons glacés, de crème de marrons et de marrons au naturel pour accompagner la dinde de Noël
Sa valeur nutritionnelle la rapproche de celle du blé. L’art culinaire aura largement tiré profit de la châtaigne : potages, confitures, purées, crèmes, pains, marrons glacés ou, plus prosaïquement, châtaignes au naturel, cuites à l’eau ou sur une poêle percée. Ce fruit, qui fut pendant longtemps une manne pour les habitants pauvres des campagnes, a donné lieu à de typiques recettes de terroir : par exemple en Suisse, dans le Valais, à travers la brisolée, une recette à base de châtaignes, de fromage et de vin blanc
Chronique réalisée par Gilles Ethnobotaniste et Mycologue