200 oiseaux norvégiens doivent être réintroduits en plein cœur du massif vosgien
200 oiseaux norvégiens doivent être réintroduits en plein cœur du massif vosgien. Une décision de la Région Grand-Est et du parc naturel des Ballons des Vosges et ce, malgré l’avis défavorable des conseils scientifiques régional et national du patrimoine naturel.
Son N°1 - 200 oiseaux norvégiens doivent être réintroduits en plein cœur du massif vosgien
Michel Munier, auteur et photographe, défavorable à la réintroduction du grand tétras dans les forêts vosgiennes
On va commencer simple, tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer ce que sont ces oiseaux qu’on appelle les tétras norvégiens ?
Les tétras norvégiens sont quasiment semblables aux tétras vosgiens, c'est le tétra urogallus major, mais il n'y a pas trop de différences. Alors, ce sont des oiseaux de gallinacée qui sont principalement au sol, qui se déplacent régulièrement pour se nourrir au niveau des insectes, et le soir qui se perche dans les arbres pour passer la nuit en toute sécurité.
Donc, pour aller un petit peu plus loin, c'est quand même une espèce boréale. Alors pourquoi une espèce boréale ? C'est parce que justement, c'est un loup gallinacé qui fait 5 kg et qui est soumis à la prédation.
Il a choisi de vivre dans des zones où il y a 6 mois de neige, et quand il se balade, j'ai pu observer ça dans les Vosges, il se balade sur un manteau neigeux, on le sent vraiment à l'aise, en toute sécurité. Donc, il picore des bourgeons sur les buissons qui émergent de la neige, et là, il voit très loin. Donc, il est à l’abri des prédateurs, et sur les zones très froides, les densités de prédateur sont très faibles.
40 oiseaux par an sur 5 ans pour un coût de 200 000 euros vont être réintroduits. Comme d’autres scientifiques, vous êtes contre. Pourquoi ?
Déjà, le chiffre qui vient d'être annoncé, ne sera pas exact, parce que les norvégiens commencent à se poser des questions sur le bien-fondé de cette opération. Donc, il y aura certainement beaucoup moins de oiseaux qui seront insufflés.
Pourquoi ? Tout simplement parce que j’ai vu pendant 50 ans, en suivant ces populations, les populations disparaissent d'abord à cause du tourisme. En 1985, la population du Sud-est de la France a disparu, alors que pendant 15 ans, tout se passait bien, mais parce qu 'il y a le développement des raquettes, des skis de fonds, et puis du tourisme, quatre saisons.
Et les autres populations ont suivi, donc vous voyez, il y a, là, depuis dix ans, on peut dire qu'il y a une modification brutale au niveau du développement touristique hors sentier, un nombre de personnes incroyables parce que les gens ont des GPS, et puis là, ce brutal réchauffement climatique qui fait qu'en fait, on a très peu de période de neige, la densité des prédateurs a augmenté, et en même temps, les couvées sont beaucoup plus précoces. Au lieu de déposer les œufs au mois de mai, les poussins vont profiter de la chaleur du mois de juin, et bien les œufs sont déposés au mois de mars, et avec les coups de froid qu’on a en ce moment, les jeunes ne survivent pas.
Est-ce qu’on peut déterminer combien de temps les tétras pourraient survivre dans ces conditions ?
Ils vont survivre tant qu’on en remettra. Ils vont être stressés et croqués par les prédateurs, sachant que les autorités qui lâchent ces oiseaux-là vont piéger les prédateurs, donc on va créer aussi un déséquilibre-là. Et puis, on va en relâcher tous les ans. Dans les Ardennes belges, on le fait depuis une quinzaine d’années. On en remet 15 ou 20 chaque année, et quand ils font des comptages, il y en a 15 ou 20, ça n’augmente pas. Donc, ça sera un maintien artificiel des oiseaux, mais tout en ayant un impact sur les prédateurs qui ont quand même un rôle à jouer. Je fais une parenthèse. Nos forêts souffrent actuellement, donc les arbres font beaucoup de graines, du fait qu’il y a beaucoup de graines, on a beaucoup de micromammifères, donc des souris, des campagnols, des mulots etc, donc les populations de prédateurs, ont augmenté pour équilibrer cette densité de micromammifères.
Ça change aussi la faune ?
Si on agit comme ça, on va avoir un impact et on risque de créer ponctuellement un déséquilibre.
Est-ce que vous pensez pouvoir suspendre et stopper ce projet avec les scientifiques ?
Non. On est dans une atteinte sur la noblesse de la démocratie. On plonge plutôt dans une sorte de monarchie. Malgré tous les avis des scientifiques ou de la concertation publique où la majorité a dit non, les responsables politiques le font quand même. La tristesse, c’est principalement ça, on est loin dans le bon sens.