Spicheren : une commune marquée par les guerres


par Camille Bazin
lundi 27 juillet 2020 à 05:36

Spicheren : une commune marquée par les guerres
Photo : Camille Bazin

Cette semaine, notre saga est consacrée à la commune de Spicheren située sur le territoire de la communauté d’agglomération de Forbach.

On ne peut pas parler de Spicheren sans parler de son histoire tant les marqueurs de la guerre sont présents dans la commune.

La bataille de Spicheren en 1870

Après la déclaration de guerre contre la Prusse le 19 juillet 1870, les troupes françaises occupent la région. Si la bataille de Spicheren est aussi connue, c’est parce qu’elle n’aurait jamais dû avoir lieu. Et surtout, les Français n’auraient jamais dû la perdre. Les explications de René Jung habitant de Spicheren et passionné d’histoire.

Son N°1 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

C’est un ratage. Le 6 août, les Allemands attaquent. Normalement c’est absolument impossible de prendre un plateau mais Frossard a manqué de dynamisme, il n’a pas eu les renforts nécessaires parce que Bazaine ne lui envoyait pas. Les allemands normalement étaient perdants, au milieu de la journée ils étaient battus.

Mais voilà, les renforts français n’arrivent pas et les allemands prennent l’avantage.

Son N°2 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

Ils ont monté cette côte, qui est abominable à monter à pieds aujourd’hui, avec les canons et ils ont finalement pris le site des hauteurs. À 6h du soir Frossard a battu en retraite et la bataille était gagnée.

La bataille a fait plus de 8000 morts des deux côtés. La retraite de Frossard laisse le champ libre aux Prussiens qui entreront dès le lendemain dans Sarreguemines puis dans Saint-Avold, Puttelange, Sarrebourg et Boulay.

« Ça c’est des cloches, pas des clochettes »

Le son des cloches d’une église résonne parfois comme un bruit de fond. Pourtant, il faut savoir que les cloches de l’église de Spicheren sont les plus anciennes de Moselle. Elles ont échappé aux réquisitions des allemands à deux reprises. La première fois c’était en 1917 et il faut dire qu’à cette période le curé Joseph Faber n’était pas prêt à laisser partir si facilement ses cloches qu’il avait eu tant de mal à obtenir.

Son N°3 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

En 1890, Joseph Faber est nommé curé. Joseph Faber venait de Bettviller c’était quelqu’un d’assez têtu. Il trouve les 3 cloches qui datent de 1862, elles ne lui plaisent pas. Il faut refaire 4 cloches en 1897, elles ne lui plaisent pas. Il faut refaire 4 nouvelles cloches en 1902, il les fait expertiser par un spécialiste qui vient de l’évêché de Metz qui trouve que ces cloches ont une qualité artistique absolument exceptionnelle, l’évêque les classe.

L’abbé Faber a alors déclaré : 

Das sind glücke, das sind kein schelle. Ce qui veut dire, ça c’est des cloches pas des clochettes.

En 1917, quand l’Allemagne se retrouve en pénurie de métal et décide de réquisitionner les cloches, la commune ne va pas se laisser faire.

Son N°4 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

La commune décrète : « ces cloches on les a, on les garde ». La commune écrit au kaiser qui crée une commission. Cette commission traîne. Elle traîne jusqu’au 11 novembre, la guerre est terminée et les cloches sont sauvées.

En 1941 l’histoire se répète.

Son N°5 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

À Noël 1939, Hitler décide de venir visiter les hauteurs de Spicheren. Il vient dans un bunker qu’on appelle le « Hitler bunker » à l’endroit où se trouve aujourd’hui le char américain. Il reste une petite heure, il offre des cadeaux aux soldats, un arbre de noël, il faut un discours sur le retour de la grande Allemagne et il demande en partant qu’on fasse sonner les cloches.

Les cloches ont été enregistrées, et le lendemain, le jour de Noël, elles ont retenti dans toutes l’Allemagne. Un évènement pas très glorieux pour les Spicherois qui sauront pourtant tirer parti de cette histoire. 

Son N°6 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

En 1941 l’Allemagne commence à aller mal. Quand on va mal, comme toujours, on réquisitionne les métaux, et surtout les cloches. Donc les cloches de Spicheren devront être réquisitionnées. La commune ne veut pas, on écrit au Gauleiter Bürckel pour dire « on ne peut pas décrocher les cloches qui ont sonné pour Hitler ».

En 1943, la réquisition va être suspendue. Deux ans plus tard la guerre est terminée et les cloches sont toujours là.

Chose aussi très marrante. C’est la même personne, monsieur Rodolphe Malick, qui en 1918 a sonné les cloches pour l’armistice et en 1945 a sonné les cloches pour la libération de Spicheren.

Spicheren, un lieu de paix et de réconciliation

Après la guerre, la paix. Si Spicheren a su conserver ses cloches, il s’en est fallu de peu pour que la ville soit rasée par les Américains au moment de la libération en 1945.

Son N°7 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

Quand les américains arrivent, ils viennent de Oeting. Ils se stationnent sur la Kreutzeck et ils tirent sur le village alors qu’il n’y a plus beaucoup d’Allemands. Les gens sont pris sous les bombardements. Alors un jeune spicherois, qui s’appelle Louis Bousch, qui avait une vingtaine d’années à l’époque, décide de grimper dans le clocher et d’accrocher un drap blanc. Les Américains qui observent depuis les hauteurs vont voir ce drap blanc, ils pensent que c’est les Allemands qui se rendent, ils arrêtent de tirer. Ce qui a comme effet que la commune ne sera pas bombardée comme d’autres ont été bombardées. C’est un des épisodes dont on tire fierté à Spicheren.

À Spicheren, les symboles de paix sont nombreux et le plus connu est certainement la croix qui culmine sur les hauteurs de la commune.

Son N°8 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

Cette croix a été créée en 1934 par le Souvenir Français. À la place où il y a la croix, il y avait deux canons anti-aériens. Le Souvenir Français voulait faire quelque chose donc on a créé cette croix qui fait 15 mètres de haut. Au départ c’était uniquement pour les tuées de la guerre de 1870 mais les plaques qui sont tout autour c’est pour les morts de toutes les guerres que nous avons vécu en France.

Chaque année, le 6 août, un rassemblement a lieu en souvenir de la bataille de 1870. Depuis les années 1970, les Allemands sont également invités à prendre part à cette cérémonie.

C’est devenu un symbole de réconciliation et de paix.

Près de la croix on peut également voir « l’arbre de la paix » qui a été planté par des enfants Français et Allemands ou encore le monument de l’Europe, trois pierres qui symbolisent la réconciliation et l’amitié franco-allemande.

L’origine du nom

Spicheren est connue pour ses bonnes terres et c’est d’ailleurs de là que vient le nom « Spicheren ».

Son N°9 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

Le nom de Spicheren vient du latin spicarium qui signifie un grenier à blé. On trouve d’ailleurs cette symbolique sur le blason de Spicheren sur lequel figure deux épis de blés qui entourent une épée. L’épée représente la bataille du 6 août 1870.

Spicheren ce n’est pas que les hauteurs. La Brême d’Or fait aussi partie de la commune et la légende raconte que c’est en 1837 qu’elle aurait été baptisée comme ça par une princesse.

Son N°10 - Spicheren : une commune marquée par les guerres

En 1837, la princesse de Mecklembourg, qui va épouser le prince Philippe d’Orléans fils de Louis Philippe, arrive ici. La rencontre a lieu sur la frontière. On reçoit cette princesse avec un faste énorme et la princesse aurait dit « Oh la jolie Brême d’Or ! », en référence aux genêts qui sont couleur or.


Un site fièrement propulsé par