''On ne va pas demander moins de mesures environnementales'', les agriculteurs bio de Moselle demandent plus de reconnaissance
Les agriculteurs continuent leur mobilisation. Un appel à un blocus de Paris et de Lyon a été lancé. Vendredi, le Premier ministre Gabriel Attal a pourtant fait une série d’annonces. Il a déclaré mettre l’agriculture au-dessus de tout le reste. Parmi les mesures pour répondre aux revendications des agriculteurs : la simplification des normes, le respect des lois Egalim, l'accélération du versement des aides ou encore des mesures sur le GNR...
Son N°1 - ''On ne va pas demander moins de mesures environnementales'', les agriculteurs bio de Moselle demandent plus de reconnaissance
Jérôme Albert – éleveur laitier bio à Guinglange et président du groupement des agriculteurs bio de Moselle
Les agriculteurs dénoncent des normes environnementales trop strictes. Ils demandent un retour sur la non-régression du droit de l’environnement. En tant qu’agriculteur bio depuis 2016, est-ce que vous êtes d’accord avec ces revendications ?
Nous partageons une bonne partie des revendications du terrain notamment sur la juste rémunération des agriculteurs en général et nous traversons, à l’heure actuelle, depuis 2 ans, l’agriculture biologique une baisse de nos revenus. Cette revendication, nous la partageons, une baisse de la sur-administration et une simplification des mesures administratives sur nos fermes, nous sommes aussi solidaires de ces mesures. Par contre, effectivement, au niveau environnemental, nous, nous avons fait le choix d’une agriculture qui va au-delà de la norme demandée puisque c’est une agriculture qui s’engage dans la défense de l’environnement, dans la préservation de nos ressources. On n'utilise aucun pesticide dans nos fermes. Notre recommandation, elle ne va pas dans ce sens-là. On ne va pas demander moins de mesures environnementales par contre on va demander une juste reconnaissance des services que l’on rend au niveau de l’environnement, au niveau de la santé, des consommateurs, des agriculteurs, au niveau de la transition écologique, au niveau de la transition climatique. Aujourd’hui, on reste un peu sur notre faim parce qu’on n’a pas cette reconnaissance de notre spécificité, de notre filière, sur les prix de notre produit ce qui se traduit aujourd’hui par une tendance à la légère déconversion de fermes qui sont en agriculture biologique depuis plusieurs années et qui malheureusement se posent la question de se déconvertir faute de revenus décents sur leur exploitation.
Aujourd’hui agriculture rentable et agriculture respectueuse de toutes les normes ce n’est pas possible ?
Ça devient compliqué du fait notamment d’un manque de consommateurs qui répond à l’offre de nos produits bios. Aujourd’hui, il y a à peu près 30% du lait qui est produit en agriculture biologique qui se retrouve sur le marché conventionnel donc payé à un prix conventionnel. Nous avons le cours des céréales, en agriculture biologique, qui a diminué pratiquement de moitié en un an. Nos produits ont certes un coût, mais je dirais surtout une valeur. Une reconnaissance de toutes les externalités que portent nos produits et ça passe par des produits certes un peu plus chers, mais surtout rémunérateurs pour nos agriculteurs.
Aujourd’hui il y a un paradoxe entre le fait qu’on demande aux agriculteurs de se convertir alors qu’il n’y a pas la demande des consommateurs ?
Le développement de l’agriculture biologique passera forcément, nécessairement par un développement de la consommation de nos produits. On parle d’une application de la loi Egalim dans laquelle il y a une obligation de 20% de produits bios dans la restauration collective. Aujourd’hui on est à 7 ou 8% et là ce sont bien nos décideurs politiques à différents niveaux qui sont décideurs et qui peuvent mettre ces 20% de produits bios dans nos cantines. Je pense que l’ensemble des consommateurs y est favorable. Est-ce que ce coût supplémentaire doit être pris uniquement en charge par le consommateur ou des mécanismes d’aide à la consommation de produits bios peuvent être appliqués comme une sécurité sociale alimentaire. Il faut vraiment qu’on passe à la vitesse supérieure et qu’on développe la consommation, qu’on communique sur les bienfaits de l’agriculture biologique pour inciter le consommateur à consommer bio et faire en sorte que demain, il y est encore des agriculteurs et des fermes qui sont en agriculture biologique sur son territoire.
Au niveau local, un nouveau plan pour développer l’agriculture biologique en Grand-Est a été signé. L’objectif est de mettre en œuvre des actions pour répondre aux enjeux environnementaux avec notamment plus de fermes bio dans le Grand-Est, aujourd’hui quelle est la situation et quels sont les objectifs fixés ?
Ce plan, à défaut d’être ambitieux est réaliste. Il veut une consolidation des fermes bios à l’heure actuelle. C’est-à-dire endiguer l’arrêt des conversions. Dans un deuxième temps, recréer une certaine dynamique sur le développement de notre agriculture biologique. Les objectifs, c’est 14% de fermes à l’horizon 2027 en agriculture bio sur le territoire du Grand-Est, ce qui représente 11% des surfaces. Pour schématiser, ce sont à peu près 400 fermes qui se convertissent en agriculture biologique chaque année d’ici l’horizon 2027. Les moyens mis en œuvre pour arriver à ces objectifs, c’est bien sûr la mise en place de cette loi Egalim et puis surtout la mise en place de sanctions sur les acteurs qui ne respectent pas cette loi Egalim. Ensuite, il y a aussi avec la Région un projet de relance de la communication sur l’agriculture biologique, les avantages et pourquoi il faut consommer bio, local, français. Nous ce qu’on demande aussi, c’est un accompagnement de consolidation et de reconnaissance financière de l’ensemble des services que l’on rend sur nos fermes au niveau environnemental et au niveau social. L’agriculture biologique aujourd’hui est pourvoyeuse d’installations. On parle de renouvellement des générations en agriculture. Un agriculteur sur 2 va partir à la retraite dans les 10 années à venir et ce renouvellement n’est pas assuré. En Moselle, ces 2 dernières années, 30% des installations se font en agriculture biologique. Les jeunes sont motivés, il faut juste leur donner une visibilité à long terme et on assurera une partie des renouvellements des générations grâce à notre cahier des charges, grâce à notre agriculture qui se veut vertueuse et je pense que c’est un projet de société qui manque aujourd’hui sur notre territoire.