Épisode du lundi 21 novembre 2022 à 09:45
Tout le monde connaît la célèbre citadelle de Bitche, construite selon l'œuvre initiale de Vauban au XVII et XVIIIe siècle, et dominant la ville. Mais saviez-vous que son utilisation la plus importante remonte à la fin du XIXe siècle, lors du siège de Bitche en 1870 ?
Tout d’abord, un peu de contexte.
En juillet 1870, les tensions entre la France de Napoléon III et la Prusse de Bismarck sont à son comble. L’affaire de la dépêche d’Ems, qui humilie l’ambassadeur français, met le feu aux poudres et la France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870.
Bitche, place-forte de première importance, est en première ligne. Tout nouveau dans la ville, le commandant Louis-Casimir Teyssier dirige la place. La ville est également le point de rassemblement de nombreuses unités françaises dont le 5e Corps du général de Failly.
Début août 1870, alors que des escarmouches ont lieu près de la frontière, l’Armée du Rhin du général Mac-Mahon est battu par deux fois à Wissembourg le 4 août puis durant la violente bataille de Woerth / Reichshoffen le 7 août.
Un flot de rescapés des batailles fait désormais route vers Bitche, portant les effectifs de la place forte à 2400, et dispose de 53 canons dont seulement 17 d’utilisables. Sur ordre de Teyssier, les rescapés des défaites françaises sont cantonnés devant le fort Saint-Sébastien, pour ne pas entacher le moral des forces de la citadelle.
Vers le 8 août 1870, les prussiens s’approchent de la ville de Bitche, pensant que toute l’armée du Rhin s’y était retirée, et se font accueillir à coups de canons. En réalité, le général De Failly et deux divisions ont déjà quitté la place, et la résistance de Bitche gêne les Allemands pour manœuvrer.
Sous les ordres du colonel Kohlermann, les Prussiens décident d’en finir avec Bitche. Le 22 août, 1850 hommes, 113 chevaux et 13 véhicules, et 4 pièces d’artillerie à obus incendiaires arrivent pour neutraliser la place. Après une sommation, Teyssier refuse de se rendre.
Installés sur la colline de l’Otterbiel, les canons prussiens tirent pendant plusieurs heures au matin du 23 août, sans grands résultats. Ils demandent une nouvelle fois la reddition, qui est refusée. Les Français ripostent. Kohlermann décide d’attendre un matériel plus puissant.
Alors que les Prussiens commencent à faire des travaux de retranchement vers la fin août, les soldats français font des sorties nocturnes sur ordre de Teyssier pour harceler l’envahisseur.
Le 2 septembre, Teyssier est informé de la débâcle de Sedan et la capture de l’empereur, mais décide de taire la nouvelle.
Le 5 septembre, les bavarois de Kohlermann reçoivent une vingtaine de pièces d’artillerie en plus. Ils sont désormais 3788 avec 24 pièces au total, décidés à en découdre avec cette citadelle rebelle. Le 11 septembre, installés sur toutes les collines alentour, l’énorme bombardement commence, avec la riposte immédiate des canons français. Excédés par la résistance bitchoise, les Prussiens décident de bombarder les maisons de la ville en elle-même. Les bâtiments au sommet de la citadelle sont détruits, et les flammes de la citadelle et de la ville en feu illuminent la nuit.
Le 13 septembre, entre 500 et 1760 habitants quittent la ville pour fuir les combats.
Mais les Français continuent de résister malgré le bombardement quotidien. Les soldats tiennent bon, dans les souterrains de la citadelle reconvertie en véritable ville militaire.
Le 16 septembre, 4 pièces d’artillerie prussiennes se rajoutent à la danse.
Le 21 septembre 1870, après 10 jours de bombardement et 7100 projectiles tirés, les prussiens cessent le feu sur ordre du général-gouverneur d’Alsace, le comte de Bismarck-Hohen. La raison ? Le siège est trop coûteux en homme et en matériel.
Les Prussiens se limiteront à un blocus de la ville. Ils coupent les routes et voies de communications, et interdisent tout ravitaillement de place forte.
Les semaines vont passer, puis les mois. La garnison parvient à se ravitailler grâce à la solidarité des villageois alentour qui bravent les interdits. En novembre, le capitaine Mondelli parvient même à s’échapper de la ville pour aller chercher la solde des hommes !
Fin 1870, il reste 4334 militaires et civils à Bitche, qui vivent plutôt correctement malgré le blocus. Teyssier continue de refuser toute reddition, même après l’armistice français signé le 28 janvier 1871.
Il faut attendre le 25 mars 1871, après un siège de 230 jours, pour que Teyssier livre enfin la ville aux prussiens, sur ordre ultime du gouvernement français, et après avoir négocié une sortie vers le territoire français libre pour ses soldats.
En comparaison, la célèbre ville de Belfort qui fut aussi assiégée et résista héroïquement durant cette guerre, tint seulement 104 jours.
Après avoir été française pendant presque un siècle, la ville de Bitche est désormais… allemande. Quant à l’exploit de la résistance de Bitche et de Teyssier, il fera sensation parmi les stratèges militaires, et à Paris, une place fut nommée “Place de Bitche” en hommage à la célèbre ville.
Chronique réalisée par Antoine.
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