Épisode du lundi 13 février 2023 à 09:45
" Ça tombe comme à Gravelotte" :
La langue de Molière ne manque pas d’expressions pour définir la manière dont il pleut. Vous connaissez alors peut-être la suivante ? « Ça tombe comme à Gravelotte », souvent utilisée pour caractériser une pluie abondante.
Et oui, nous allons aujourd’hui évoquer la bataille de Gravelotte, ou bataille de St Privat côté français qui nous a légué cette expression.
Depuis le 2 août 1870, Napoléon III est en guerre contre la Prusse de Guillaume Ier (grand-père du futur Guillaume II). L’Armée Française est à Sedan, et l’armée prussienne attaque par l’Alsace et le nord de la Moselle (débouchés de tous temps naturels vers la France). Le 4 août a lieu la célèbre bataille de Reischoffen, où les pertes sont élevées pour chacun des belligérants.
Le chef d’État-Major allemand, Von Moltke, lui-même père du célèbre général allemand de la 1ère GM, veut prendre Metz, place forte, PC de l’Armée du Rhin, qui bloque l’accès à la route de Verdun puis de Paris avec ses 190,000 hommes. Le Maréchal Bazaine s’y trouve, avec presque 130,000 hommes, bien équipés, ravitaillés.
Moltke commence l’encerclement de Metz le 14 août, tandis que Bazaine réagit à retardement. Voyant la souricière se refermer le 16 août, il décide de prendre plus de 120,000 hommes pour marcher vers Verdun pour rejoindre Napoléon III. Il trouve les prussiens sur sa route et un affrontement a lieu à Mars-la-Tour. Il se solde par une large victoire française, les troupes prussiennes se brisant sur les positions défensives françaises.
Bazaine, ne saisit pas la chance qui lui est offerte de contre-attaquer pour bousculer les prussiens en déroute : il choisit de se retrancher dans Metz. Moltke veut en profiter en attaquant Metz le 18 août 1870.
La topographie à l’ouest de Metz a de nombreux atouts pour établir une puissante défense, que vont utiliser les français. De surplus, Bazaine peut d’appuyer sur les forts de la place de Metz, notamment ceux de Plappeville et St Quentin.
Les prussiens attaquent donc 18 août aux alentours de 8h du matin à Vernéville, où doit se trouver le point faible français : son aile droite. Seulement, les renseignements ne sont pas bons ! Les prussiens, menés par le neveu du roi de Prusse, viennent de se jeter au centre du dispositif français, à son endroit le plus fort. Ils sont mis en difficulté.
A quelques endroits de là, le général Manstein (dont le petit fils adoptif ne sera autre que le célèbre général allemand de la 2nde GM) attaque Amanvillers et connaît les mêmes déboires. C’est surtout le très célèbre fusil Chassepot qui est déterminant dans cette bataille. Sa portée est de loin supérieure à celui des prussiens, sans compter une vitesse de rechargement accrue.
La bataille prend des allures d’échec côté prussien, les troupes se font décimer, les Français avancent. Cependant vers 14h, des renforts côté prussien viennent stabiliser le front, notamment en artillerie qui surclasse son homologue française.
Le général Steimetz qui est à droite du dispositif prussien désobéit alors aux ordres. Il veut s’illustrer en débordant l’aile gauche française pour remporter la bataille et ainsi bien se faire voir de Guillaume Ier. Cela se solde par un massacre : là presque totalité des soldats prussiens sont abattus par les salves françaises. Ces derniers contre-attaquent même et Moltke doit envoyer ses réserves personnelles pour endiguer les français. Il est extrêmement en colère.
La bataille dure, continue sur le même schéma, les prussiens sans cesse repoussés. Les combats d’une rare violence finissent par décroître en fin de journée. Mais Guillaume Ier veut des résultats avant la nuit !
Les troupes prussiennes attaquent Gravelotte, Bazaine ne prend pas conscience des forces prussiennes, il n’envoie pas de réserves. Les français présents dans le village résistent toutefois pied à pied, derrière les haies, les maisons, les prussiens sont de nouveau décimés, les gains sont maigres. La garde impériale elle-même est engagée, et se fait tout autant repousser. La cavalerie française tente une énième contre-attaque, infructueuse. Il n’y a quasiment plus d’officiers, tout le monde est épuisé.
Finalement, l’artillerie prussienne se tourne alors vers le village de St Privat un peu plus au nord de Gravelotte, qu’elle ravage. Les assauts du village sont ensuite repoussés par les Français qui tiennent malgré tout. Un dernier assaut est lancé vers 20h, dans un village où tout brûle. Le dernier carré français est finalement emporté, après une âpre résistance. La bataille prend fin sur cet ultime assaut prussien. Guillaume Ier arrive dans la nuit, ne peut que constater la boucherie et les immenses pertes qu’il a subi. Le bilan est sans appel : les prussiens ont plus de 20,000 hommes hors de combat (plus de 5,000 morts), contre 12,000 côté français (plus de 1,100 morts). Bazaine ne comprend pas qu’il tient de nouveau là une victoire et se replie sur Metz. La suite nous la connaissons : défaite de Sedan et chute du 2nd Empire.
Cette bataille a tellement marqué les esprits des deux côtés qu’il nous en est resté cette expression « ça tombe comme à Gravelotte », qui illustre tout autant les hommes tombant en masse tout au long de la journée que le déluge de balles et d’obus tombés sans discontinuer. De nombreux tableaux, français et allemands, sont venus compléter cet imaginaire également.
En vous rendant à Gravelotte aujourd’hui, vous verrez les nombreuses tombent qui parsèment toujours les champs, témoins du massacre qui s’est tenu là, il y a plus de 150 ans. N’hésitez pas également à aller visiter l’excellent musée qui y a été ouvert en 2014, consacré à cette Guerre de 1870, la bataille, l’annexion et toutes les résultantes en découlant. Ce lieu sera de nouveau le théâtre d’affrontements 74 ans plus tard… mais c’est une autre histoire !
Rédaction : Guillaume Moncel
Présentation : Antoine Krutten
Chronique réalisée par Les Historateurs. Présenté par Antoine, avec la participation de Hamza, Pierre-Edouard, Guillaume, Nicolas G, Nicolas D, Yann et Alexis.
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