La Sarre

Dans mon jardin

La Sarre

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Épisode du mercredi 29 janvier 2025 à 12:20

Elle nous semble si courante, si banale qu’on a tendance à l’oublier. La rivière Sarre est une compagne silencieuse de notre environnement et de notre histoire.

 

Un peu de géographie

 

Naissant dans le massif des Vosges, de la Sarre rouge (Saint Quirin en Moselle) et de la blanche (Grandfontaine dans le Bas-Rhin), elle donc fille de l’Alsace et de la Lorraine. Elle serpente sur 220 km et délimite sur plusieurs kilomètres la frontière entre deux pays et sait se faire rappeler lorsqu’elle est en crue, avant de se jeter dans la Moselle à Kontz en Allemagne.

 

La ripisylve : forêt des bords de rivière

 

La ripisylve est réputée au sein de la communauté scientifique et du monde naturaliste pour son extrême originalité et leur biodiversité exceptionnelle pour des milieux forestiers. Bien évidemment ce ne sont pas des forêts auxquels le grand public est habitué et pourtant elles sont tellement plus riches.

La rivière n’est pas un élément statique. Lors des crues, elle dépose des sédiments sur les berges, dépose aussi des arbres déracinés, érode également les berges. En bref, elle façonne le paysage. Il faut garder à l’esprit que la Sarre n’a pas toujours eu le lit qu’on lui connaît actuellement.

Ces contraintes sont favorables à des arbres qui doivent être capables de résister à la violence des crues, au déchaussement des racines, pouvoir repartir rapidement après arrachage. C’est ainsi typiquement le royaume des saules, des peupliers et des aulnes. Il y aurait tant à dire sur les saules mais, en observant bien, on peut trouver de magnifiques saules têtards, fruits du travail des hommes, tout un patrimoine agricole qui jalonne cet environnement. C’est aussi le royaume du castor, qui a fait son retour dans le secteur et dont un œil attentif pourra observer les indices de son labeur.

 

L’instabilité qui génère la richesse

 

La richesse et l’originalité des ripisylves viennent ainsi de leur instabilité permanente. Elles représentent un formidable réservoir de biodiversité tant végétale qu’animale à cause de leur hétérogénéité, de leur instabilité et donc de la diversité des niches potentielles pour des espèces spécialisées. Leur rôle de corridor forestier naturel (comme les haies qu’on a vue la semaine dernière) complète ce rôle majeur.

Les ripisylves sont ainsi des forêts humides luxuriantes en végétaux (dont de nombreuses lianes ligneuses) et animaux, avec une architecture complexe, qui n’est pas sans rappeler une forêt tropicale. Pas besoin d’aller au bout du monde pour l’exotisme.

Nombre d’évènements récents dramatiques montrent que le maintien de telles zones de freinage des crues est fondamental pour abaisser les risques d’inondations. Il est indispensable, pour la sécurité des populations, à freiner une urbanisation irréfléchie et rendre à la rivière son territoire.

 

Ainsi coule une rivière libre, certes source d’instabilité permanente, mais créatrice d’une fabuleuse richesse. C’est un écho à la célèbre citation du philosophe Nietzsche « il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse »

Chronique réalisée par Gilles Weiskircher, éthnobotaniste et mycologue.


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