Les pharmaciens en grève, la plupart des officines seront fermées ce jeudi
Depuis le 18 avril, la colère monte chez les pharmaciens. Après une pétition en ligne, une alerte aux élus locaux et une grève des gardes lancée du 18 au 20 mai, toutes les officines de France sont invitées à garder porte close ce jeudi 30 mai.
Son N°1 - Les pharmaciens en grève, la plupart des officines seront fermées ce jeudi
François Monnet est pharmacien à Saint-Avold et délégué à l'Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine.
Pourquoi cette grève ?
La grève est intervenue parce qu’il y a des négociations avec la CPM (Commission Permanente des Médicaments) qui n’ont pas abouti à ce qu’on attendait. On n’est pas d’accord principalement sur 3 points. Tout d’abord, on voudrait un vrai plan d’ampleur contre les pénuries de médicaments. Je pense que tous les auditeurs ont pu s’en rendre compte, à chaque fois qu’on va à la pharmacie maintenant, il manque un produit. Ça devient intolérable, voire dangereux dans certaines situations. Deuxième chose, il y a un projet de loi du député Marc Ferracci qui prévoit de libéraliser la pharmacie avec la vente en ligne de médicaments. Ce qui va encore plus fragiliser le réseau de pharmacies et qui risque d’accroître encore la disparition de nombreuses pharmacies. On a déjà fermé plus de 300 pharmacies l’année dernière sur la France et là, il y a déjà 40 pharmacies qui ont fermé depuis le début de l’année. Ça commence à prendre de l’ampleur et ça devient dangereux notamment pour certains territoires. Et puis dernière chose, on demande également une revalorisation de nos honoraires de dispensation pour faire face à l’inflation qu’on connaît tous.
Que peut-on faire pour pallier la pénurie des médicaments ?
Le problème numéro un est qu’il y a une demande grandissante des médicaments au niveau mondial puisqu’il y a de plus en plus de monde qui se soigne, donc ça, c’est une bonne chose. Mais par contre, nous en France, on a des prix sur des médicaments qui sont parmi les plus bas du monde. Ce qui fait que dès qu’il y a la moindre pénurie, elle se répercute en premier chez nous, puisque les laboratoires vont fournir les pays qui payent plus chers que nous. Donc nous, on est toujours fourni en dernier.
Il faudrait une réforme économique ?
Il faut une réforme économique d’ampleur. C’est-à-dire pas simplement les petites rustines, mais il faut vraiment revoir le système de A à Z.
Aujourd’hui qu’est ce qui ne va pas dans ce système-là ?
Déjà premièrement le prix du médicament en lui-même qui fait partie des plus bas du monde. Donc, forcément, les industriels se détournent de ces médicaments qu'ils ne produisent plus puisque ça ne vaut plus le coup pour eux.
Ça fait combien de temps que vous voyez cette pénurie de médicaments en France ?
En fait la pénurie, on va dire que ça a commencé depuis une dizaine d’année. Mais le problème, c’est que ça devient exponentiel, c’est-à-dire que les pénuries sont de pire en pire et maintenant touchent des maladies assez importantes. Toutes les maladies sont importantes, mais il y en a qui sont encore plus sévères que d’autres et où on n’a pas d’alternative surtout. Parce que quand un antibiotique vient à manquer, on peut encore le remplacer par un autre antibiotique. Par contre, je pense à certaines maladies comme le diabète, où on a des médicaments qui ne sont plus disponibles. Pour équilibrer à nouveau un diabète sans son médicament ça devient de plus en plus compliqué.
C’est la première fois que vous faites un mouvement de cette ampleur ?
Il y avait déjà eu un mouvement de grande ampleur en 2014. Mais là un mouvement de cette ampleur effectivement, c’est assez inédit. La mobilisation s’annonce assez grande. J’invite tous les auditeurs à prendre leurs dispositions pour le 30 mai, c’est-à-dire jeudi qui vient. Il vaut mieux décaler vos achats en pharmacie soit la veille soit le lendemain. Sachez que le 30 mai, nous ne serons pas disponibles puisque la majorité d’entre nous aura les rideaux fermés.
Si vous êtes entendus, ce sera une bonne chose, mais si rien ne bouge, vous irez plus loin ?
Il est certain que si rien ne bouge le mouvement continuera. Il y a déjà d’autres projets notamment, avec les J-O comme d’autres professions le font pour mettre la pression. Malheureusement, en France, on ne peut pas discuter, il faut toujours mettre un coup de pression pour être entendus, ce qui est un peu dommage.
Vous êtes à bout de souffle ?
Il y a des pharmacies qui sont à bout de souffle et qui ferment les portes définitivement malheureusement, pas juste une journée. Donc on met en difficulté certains territoires sous-dotés, notamment en campagne. Quand la pharmacie disparaît, c’est le dernier maillon qui disparaît du service public, parce qu’on fait aussi office de service public si on peut le dire, parce qu’on rend beaucoup de services à la population et ça ne s’arrête pas seulement au domaine de la santé.