Moselle-Est : Les forêts face aux défis du climat et des ravageurs, entretien avec Hubert Schmuck
Nos forêts sont en train de mourir : c’est le constat de l’Office national des forêts. En six ans, plus de 300 000 hectares de forêts publiques ont subi une mortalité précoce. C’est 38 fois la superficie de Strasbourg.
Hubert Schmuck, cadre technique à l'ONF du pays de Sarrebourg et du pays de Bitche
Quelle est la situation actuelle des forêts dans notre département ?
Actuellement, la situation est variable en fonction des différentes essences : le hêtre a souffert des sécheresses (fin 2010 à 2023), il a perdu beaucoup de feuilles et de branches, avec quelques mortalités. Les arbres malades se remettent difficilement. Le chêne a également souffert des mêmes conséquences que le hêtre, mais il va mieux guérir. Le pin sylvestre et le résineux vont globalement mieux dans la région. L'épicéa est en forte régression, avec une forte mortalité très brutale, due aux attaques de scolytes et de typographes, qui sont de très grands ravageurs primaires s'attaquant même aux arbres sains. Ils causent de gros dégâts sur les pépinières et le peuplement d'épicéas, surtout en basse altitude mais aussi en montagne. Le sapin va mieux ; il se remet des attaques de 2022 de scolytes, des attaques différentes de celles de l'épicéa, qui ont aussi touché les sapins en montagne.
Est-ce qu'il y a d'autres raisons pour cette baisse de superficie de forêt hormis le scolyte et la sécheresse, par exemple l'activité humaine ?
Si les forêts ont vécu des mortalités précoces, elles vont tout de suite être remplacées, replantées, et nous n'allons pas constater une baisse de la superficie forestière, que ce soit à l'échelle locale ou nationale. Ce ne sont donc pas les dépérissements ni les mortalités qui vont affecter les peuplements et conduire à une baisse de superficie. Nous avons actuellement un maintien de la surface forestière globale en France. Nous avons environ 17 millions d'hectares de territoire couverts par des forêts publiques ou privées. Ce n'est pas la mortalité ou le dépérissement dû au climat qui va réduire la surface forestière en France, elle se maintient. Toutes les parcelles mortes, notamment les épicéas, sont systématiquement remplacées, reboisées soit par régénération naturelle, soit par des plantations. Nous ne perdons pas de surface nette de forêt en raison des événements sanitaires.
En avril dernier, le gouvernement a annoncé un plan pour lutter contre le fléau du scolyte. Qu'en pensez-vous et est-ce que cela peut marcher ?
Je pense que c’est une bonne chose, puisque cela permet d’aider les propriétaires et les exploitants, de mutualiser les interventions et de financer des outils permettant de mieux lutter contre ces ravageurs. Surtout, l'équipement des têtes d’abatteuses avec des couteaux et des corsages permet d'écorcer le bois en sur coupe, et quand ils sont encore infestés par ces larves, ces insectes, et ces scolytes, cela va permettre de les neutraliser avant qu’ils ne puissent essaimer et contaminer de nouveaux peuplements. Ce plan scolyte est une bonne chose.
Il a beaucoup plu ces derniers mois. Est-ce que cette pluie est une bonne chose pour nos forêts ?
C’est une bonne chose ; cela permet d’alimenter nos forêts correctement avec l’eau dans le sol pour les racines. Cela a aussi permis de recharger les nappes phréatiques. Mais il faudrait que la pluie s’arrête, car pas assez d’eau n’est pas bon pour nos forêts, mais trop non plus, puisque les racines fines peuvent être asphyxiées par un engorgement trop fort, en particulier dans les plantations, surtout dans les jeunes peuplements. Pour l’instant, il n’y a pas de gros problème, mais si cette pluie devait continuer, nous devrions avoir d'autres problèmes. La forêt a besoin du juste milieu : de l’eau régulièrement, mais pas trop d’un coup.