''À 9 ans on n'a pas envie d'arrêter de vivre'', Sophie Maurice-Pluchon, directrice générale de l'AAESEMO qui lutte contre le harcèlement scolaire

Ce week-end d'un tragique fait divers s'est déroulé à Sarreguemines. Sara, une enfant de neuf ans a mis fin à ses jours, victime de harcèlement et de moqueries dans son école. Le harcèlement, un problème qui semble toucher les enfants de plus en plus jeunes, on en parlait ce matin dans le Grand Réveil avec notre invitée.
Son N°1 - ''À 9 ans on n'a pas envie d'arrêter de vivre'', Sophie Maurice-Pluchon, directrice générale de l'AAESEMO qui lutte contre le harcèlement scolaire
Sophie Maurice-Pluchon – directrice générale de l'AAESEMO (Association mosellane d'Action Educative et Sociale En Milieu Ouvert) à Woippy
Votre association intervient dans différents domaines et dans toute la Moselle. Vous avez un pôle prévention pour justement prévenir le harcèlement. Dans ce cadre, quelles actions menez-vous ?
C'est un pôle qui a ouvert il y a deux ans. Notre objectif, c'est dans la prévention, donc accompagner les enfants mais aussi les parents sur la problématique des violences qui peuvent aboutir à du harcèlement et à du cyber harcèlement. Donc on met en place des conférences, des ateliers de compréhension sur ce qu'est une violence, faire la différence entre la violence, de la moquerie jusqu'au harcèlement, et puis on met aussi des ateliers pour vérifier que les enfants aient bien compris l'apport théorique qu'on a pu leur donner préalablement.
Ce week-end, une enfant de 9 ans, Sara, a mis fin à ses jours, c'est tragique. Est-ce que c'est fréquent ces problèmes de harcèlement dès l'école primaire ?
En tout cas ce qui est fréquent, c'est la moquerie. Alors je dis toujours que la frontière est très fine, mais elle existe entre la moquerie et puis le harcèlement. La moquerie, ça relève d'un échange ponctuel, souvent maladroit, parfois taquin, ça peut piquer mais elle n'a pas de vocation à blesser durablement. Il y a une forme de réciprocité entre les enfants. Par contre le harcèlement, lui, c'est quelque chose de répétitif qui a l'intention de nuire avec l'indifférence à la souffrance de l'autre. Donc la frontière est très fine, mais à 9 ans, une moquerie, ça peut être quelque chose de vécu comme une douleur quotidienne, une honte que cette petite fille n'a peut-être pas pu porter, et en tout cas, c'est une situation qui est dramatique. Voilà, à 9 ans, on n'a pas envie d'arrêter de vivre.
Le cyberharcèlement, c'est devenu le gros problème depuis maintenant de nombreuses années. Comment est-ce qu'on peut lutter contre ?
Le cyberharcèlement, c'est le prolongement souvent du harcèlement qu'on vit en présentiel. Et je dis toujours, le cyberharcèlement, on parle d'un enfant sur trois qui est victime de cyber harcèlement, ce sont des moqueries, des insultes à répétition avec une intention de nuire, mais derrière l'écran, on a l'impression qu'on a l'impunité, qu'on peut tout dire, et en plus, pour celui qui agit derrière l'écran, il ne voit pas les émotions que l'autre peut ressentir à la lecture de ce qu'il peut envoyer, que ça soit un message, un émoticône, une photo, n'importe quoi, il n'y a pas cette réciprocité de voir l'autre et de se mettre à la place de l'autre. Donc le cyberharcèlement, c'est quelque chose qui touche beaucoup de monde de manière très rapide. Auparavant, les enfants étaient victimes de harcèlement, ça se passait dans la cour de récréation ou dans un club de sport, et ça restait à proximité. Aujourd'hui, le cyberharcèlement, ça n'a pas de fin, il n'y a pas de répit. L'enfant rentre avec son téléphone, sa tablette, son ordinateur, quel que soit le support numérique, et je dis toujours, l'éducation numérique, elle ne commence pas à partir du téléphone portable, ça doit commencer à partir du moment où on donne un appareil numérique à un enfant, parce qu'on a accès sur internet avec une tablette, avec un ordinateur, avec un jeu en ligne, avec une Nintendo, et aujourd'hui, les parents doivent pouvoir accompagner leurs enfants à les prévenir des dangers d'internet.
Alors justement, si des parents, si des adolescents nous écoutent, sont victimes, sont témoins de harcèlement, qu'est-ce que vous pouvez leur dire ce matin ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Surtout, c'est ne pas être, dans la réciprocité, encore une fois, ne pas rire, ne pas relayer, aller voir la personne visée et lui parler, et puis après, aller en parler à un adulte responsable. Intervenir, attention, je dis toujours aux parents, vouloir se faire justice soi-même, parfois on n'a pas la juste distance, et je dis toujours aux parents qu'il faut aller voir la personne pour expliquer qu'en fin de compte, son enfant souffre de cette situation. Toujours essayer d'instaurer un dialogue pour pouvoir arranger les choses. Et puis, je dis toujours aux parents aussi, attention, quand un adulte se mêle d'histoires d'enfants, ça peut être parfois pire qu'au départ. Donc, il faut vraiment être vigilant, c'est pour ça que nous, on est sur Woippy, mais on a aussi des locaux sur Forbach et puis sur Thionville, et on accueille, quand on a un appel téléphonique, un mail, un message sur les réseaux sociaux, on accueille les familles et les enfants dans l'association, dans les 24 heures. L'objectif, c'est vraiment de les écouter et de les orienter, si besoin, mais aussi de leur donner des clés, vraiment, pour sortir de cette situation et le plus rapidement possible.